Qui n’a pas entendu parler nos candidats de l’essence trop chère ? Tout le monde ou presque, tant les idées des plus sérieuses au plus farfelues ont été avancées pour soulager nos compatriotes de l’angoisse du passage à la pompe.
A l’inverse qui a déjà entendu ces mêmes candidats parler d’un véritable projet sur la mobilité en France ? Pas grand monde. Et pourtant ! Se déplacer, c’est une activité essentielle me semble-t-il…
Trouver un programme parlant de politique de transport, qui a une véritable vision du système complexe de la mobilité, c’est assez rare. Mais ne soyons pas de mauvaise foi, certain en ont. J’ai été surpris de voir le vide sidéral des programmes des deux principaux prétendants à ce sujet, et au contraire, des visions et des réponses beaucoup plus large à cette problématique chez les soi-disant « petits candidats » et les « challengers ».
Car la mobilité est en fait un système complexe, et ça, personne ne semble l’avoir compris. Déjà, la notion elle-même mérite d’être expliquée, et pour les plus courageux (et les anglophones), je vous invite à vous renseigner sur les travaux de Donella Meadows (co-auteur du fameux Rapport Meadows du Club de Rome en 1970), et pour les autres, à lire un article d’un de mes amis résumant bien le sujet . En plus, il y a un bel exemple sur la congestion urbaine à Montréal, c’est bien dans notre thème.
Un système complexe est fait d’interdépendances. Pour faire simple, celui de la mobilité comprend en son centre les besoins en déplacement des acteurs du système (la population, les entreprises, etc.) qui utilisent pour cela des modes de déplacement (voiture, train, avion, camion, tram…), qui ont eux même besoin d’infrastructures et consomment de l’énergie et des matériaux. A l’origine des besoins en déplacement, il y a généralement des contraintes de distance plus ou moins importante issues de l’étalement urbain, ou au contraire de la concentration des activités en un seul point.
Mais de nombreux nœuds sont en train de se rompre dans ce système ! La forte dépendance à un type d’énergie, les hydrocarbures, et à un mode de déplacement, l’automobile, fragilise le système : raréfaction, hausse des prix, pollution, embouteillages… rendent ce système caduque.
Or, que répondent à cela nos candidats ? Rarement une stratégie globale, parfois des actions concrètes, plus souvent des mesures irréalistes : gel des prix, nationalisation de Total, réquisitions des bénéfices des compagnies pétrolières, recherche de la station service la plus compétitive, réduction de 20% de la TIPCE, divers scénarios ultra technologique, développement des transports alternatifs à la voiture individuelle… Mais quant à savoir lesquels… mystère !
Il faut radicalement changer notre perception de la mobilité, arrêter de chercher une solution unique, qui plus est de court terme. On ne peut pas se contenter de seulement réduire le coût de l’essence. Il faut envisager de prendre des mesures beaucoup plus globales pour avoir une efficacité à long terme, en réfléchissant sur les buts et les besoins des déplacements. L’objectif principal est de réduire notre consommation énergétique sans pour autant réduire notre mobilité.
Dès maintenant, pour révolutionner la mobilité, il faudra investir dans une grande politique de transport et d’énergie européenne, le seul cadre national était désormais trop limité, en dissociant les différents besoins de mobilité pour mieux y répondre : la mobilité domicile-travail / la mobilité régulière, généralement inférieure à 80km / la mobilité longue distance, supérieure à 80km. Cela demande de développer de nouveaux types de transport encore marginaux, plus à même de répondre à chacun de ces besoins : transports individuels propres (électriques, hybrides à carburant renouvelable) et des transports en communs flexibles : autopartage et covoiturage nationaux couplés aux transports publics classiques (tram, train, bus…).
Mais seule une politique globale de transport, qui réfléchit à la modification en profondeur du système complexe qu’est la mobilité pourra permettre l’essor de la mobilité durable. Voici quelques propositions qui suivent le schéma de transformation d’un système complexe tel que défini par les étapes de Donella Meadows, en agissant sur :
– les chiffres : plutôt que lutter en vain contre la hausse du pétrole, autant jouer la sincérité et appliquer à travers les diverses taxes sur l’énergie leurs véritables coûts sociaux et environnementaux. Par exemple, supprimer les avantages fiscaux incohérents sur le diesel, le GPL ou les agrocarburants de 1ère génération. Appliquer le bonus/malus automobile non pas en fonction du seul rejet de CO² mais de critères sociaux et environnementaux locaux : un diesel peut être malusé en ville, mais bonusé en campagne, valable à l’immatriculation en fonction de l’origine d’habitation.
– les stocks régulateurs : multiplier les parkings relais en périphérie et supprimer ceux en centre-ville afin de naturellement diminuer la congestion urbaine, accroître leur rôle de point multimodal en les connectant aux autres types de transports, en commun ou individuel.
– la structure des flux : plutôt que de toujours favoriser les mêmes axes pour le transport en commun, généralement des lignes qui se croisent en un seul point, développer un réseau en toile d’araignée pour multiplier les points de décharges multimodaux et réduire la surcharge sur un seul point. C’est valable autant pour la RATP (avec en son centre Châtelet-les Halles) que pour la SNCF (avec Paris pour centre), où il faut développer de nouveaux « points multimodaux». Développer un réseau décentralisé intelligent de production d’énergies renouvelables électrique, de biogaz et de biocarburants de seconde génération.
– La longueur des délais : mettre en place des lignes de transports en commun « express » entre les centres multimodaux. Raccourcir les distances entre les points de ravitaillement des types de transport afin d’en accroître l’utilisation.
– Boucles de rétroaction négative : interdire ou réguler par péage urbain le passage dans les grandes villes des véhicules individuels non immatriculés dans ces mêmes villes.
– Boucles de rétroaction positive : développer les transports en commun en améliorant la fréquence de passage, développer la livraison propre et rapide afin d’enlever la contrainte de charge rendant inefficace les transports en commun dans de nombreux cas.
– Les flux d’information : créer un seul réseau de transport intelligent, connecté en temps réel, pour connaître la fréquence d’utilisation, le taux de charge de tous les types de transport, en commun ou individuel, et informer l’utilisateur sur les meilleurs choix à faire en fonction de son besoin de mobilité.
– Les règles du système : ne plus considérer sur un pied d’égalité ceux qui n’ont pas accès à la mobilité facilement, zones rurales et péri-urbaines, et ceux en zones urbaines, qui ont accès à un large panel de types de transport. Considérer légalement comme besoin primaire l’accès à la mobilité.
– Le pouvoir du système de se créer, de s’auto-organiser ou de changer sa structure : mettre en interraction les utilisateurs du système de mobilité afin de prévenir de leurs futurs déplacements. Cela permet au système de se réguler en avance en augmentant ou réduisant certains flux.
– Les objectifs du système : développer un service global à la mobilité avec une grande flexibilité locale, où l’usager peut utiliser avec un seul moyen de paiement tous les types de transports possibles en France, avec un coût à l’usage prévisible et prédéfini.
– Le paradigme : faire en sorte que la mobilité ne soit plus discriminante, mais au contraire accessible à tous, et en utilisant que des ressources durables, renouvelables et non polluantes.
– Transcender les paradigmes : décentraliser les activités économiques, politiques, sociales, afin de rapprocher les lieux de vie des lieux d’activités et ainsi réduire les besoins en mobilité. Abandon du dogme centralisateur très français au profit d’une logique de décision locale.
Et vous, que suggérez-vous aux candidats aux élections présidentielles pour notre mobilité ?
Michel Edgar
Hollande et l’enfouissement des déchets nucléaires
Pour Hollande :
« – BURE : c’est encore un labo !
– c’est moi qui décide ! (je n’ai que faire des accords PS-EE-LV) »
http://dai.ly/IcnAgT